LES RAIDS

RAID URDOS - LUCHON

LA HAUTE ROUTE D’HIVER DES PYRÉNÉES CENTRALES

Un raid à ski, d’Urdos à Luchon, à travers les Pyrénées centrales pose de sérieux problèmes d’habitats dans l’état actuel de l’équipement touristique de la haute montagne pyrénéenne.

C’est pour mettre en lumière les lacunes de cet équipement, en même temps que pour ébaucher le tracé d’un itinéraire de ski comparable à celui qui relie dans les Alpes Saint-Etienne-de-Tinés à Chamonix, que « Jeunesse et Montagne » a organisé le raid Urdos-Luchon.

En outre, cette entreprise devait mettre à l’épreuve l’instruction alpine et l’entraînement sportif des jeunes volontaires du Groupement « Pyrénées ».

Elle devait, enfin, nous montrer si ces jeunes avaient acquis les qualités morales de volonté et d’énergie qu’ils étaient venus puiser à la rude école de la Montagne.

Dix-neuf jeunes et un Chef d’Equipe prirent le départ sous la direction de l’instructeur François BOYRIE et de l’instructeur chef du Groupement Pyrénéen Robert OLLIVIER. 7 jours, 7 étapes, 64 heures de ski, 8 cols dont 6 au-dessus de 2000 m. Ils ont grimpé 9.487 m de dénivellation et descendu 9.097 m avec une moyenne de montée de 1500 m par jour.

La montagne ne se livre pas facilement aux hommes. Les difficultés ne manquèrent pas.

Il était impossible d'emporter sur le dos une semaine de vivre ni de se ravitailler dans la montagne qui n'était « qu'un magasin de blanc ». L'organisation du logement et du ravitaillement a été menée depuis le PC du groupement à Lourdes.

La neige avait ses caprices : tantôt profonde et exténuante, tantôt abîmée par la pluie. Vent violent, avalanche, brouillard dangereux, à pics, rien ne manquait au menu des sommets pour éprouver l'appétit de la lutte et du succès.

Sur ce nombre les instructeurs conduisirent à Luchon quinze jeunes et leur Chef d’Equipe. Les autres avaient été accidentés légèrement (foulures de chevilles ou torsion de genoux).


18 FÉVRIER – PREMIERE ETAPE
Urdos-Gabas, par les cols de Lary et d’Ayous.

 Cette première étape comporte la traversée de la vallée d’Aspe à la vallée d’Ossau. En amont d’Urdos, trois passages relient les deux vallées :

1° Le col des Moines (2204 m.) ; qui fut le plus fréquenté avant la guerre espagnole.

2° Le col de Bielle (2240 m.), peu utilisé par les skieurs.

3° La Hourquette de Lary (2160 m.) et le col d’Ayous (2200 m.). Le col d’Ayous ménage un lever de rideau sensationnel sur le pic du Midi d’Ossau.

Ce troisième itinéraire fut adopté.

La Hourquette de Lary fait communiquer le vallon de Lary avec la Baigt de Saint-Cours, tributaire de la vallée d’Aspe et débouchant à Etsaut. Le col d’Ayous fait communiquer la Baigt de Saint-Cours avec les lacs d’Ayous, Bious et Bious-Artigues.

Horaire de la caravane :

Urdos (760 m.) : 11h25

Col d’Ayous (2200 m.) : 16h15

Gabas (1122 m.) : 18h10

Collection JMOllivier – Raid Jeunesse et Montagne Urdos-Luchon de 1942

Collection JMOllivier – Raid Jeunesse et Montagne Urdos-Luchon de 1942 – Vers le col d’Ilhéou

Collection JMOllivier – Raid Jeunesse et Montagne Urdos-Luchon de 1942 – Pause au col d’Ayous

19 FÉVRIER – DEUXIEME ETAPE
Gabas-Arrens, par le col de Taouseilla (2404 m.)

De Gabas à Cauterets, on ne trouve ni village, ni refuge habitable l’hiver : les bâtiments du lac d’Artouste ne sont pas ouverts au public. Il est donc nécessaire de faire un crochet accentué vers la basse montagne et le village d’Arrens, situé à l’entrée d’une grande vallée transversale, mais déserte : Azun.

De Gabas, deux itinéraires permettent de gagner le col de Taouseilla qui fait communiquer la vallée d’Ossau avec la vallée d’Azun :

1° Franchir le col de la Sagette (1950 m.) et redescendre dans la vallée secondaire du Soussouéou, dont le confluent avec la vallée d’Ossau est situé en aval de Gabas.

2° Remonter la vallée du Soussouéou depuis son confluent en passant par la sauvage forêt d’Herrana.

Nous sommes passés par la forêt d’Herrana. Nous en concluons qu’elle n’est guère skiable, même à la montée et qu’il est préférable d’adopter le premier itinéraire, celui du col de la Sagette. D’ailleurs un téléphérique permet d’y monter sans peine depuis Gabas.

Horaire :

Gabas (1125 m.) : 7h

Pont du Hourc (825 m.) : 7h30-8h

Plaine de Soussouéou (1410 m.) : 12h-13h30

Col de Taouseilla (2404 m.) : 16h30-16h45

Vallée d’Azun (1264 m.) : 17h45-18h05

Arrens (887 m.) : 18h30

Collection JMOllivier – Raid Jeunesse et Montagne Urdos-Luchon de 1942 – La récompense en arrivant au col, le Roi – Pic du Midi d’Ossau, versant NW

Collection JMOllivier – Raid Jeunesse et Montagne Urdos-Luchon de 1942 – Dans le Vallon de Garemblanc en montant au col d’Ilhéou

Collection JMOllivier – Raid Jeunesse et Montagne Raid Urdos (Vallée d’Aspe) – Luchon 1942

20 FEVRIER – TROISIEME ETAPE
Arrens-Cauterets.

L’itinéraire emprunte le petit col de Bordères (1140 m.) qui fait communiquer Arrens avec Estaing et le lac d’Estaing, en suite le col d’Ilhéou qui permet de passer du lac d’Estaing à Cauterets.

Du col d’Ilhéou, au lieu de descendre directement par l’étroit vallon encombré d’avalanches, où s’écoulent les eaux du lac Bleu, une marche de flanc à peu près horizontale, vers la gauche, sur des pentes assez raides par endroits, permet d’atteindre l’origine du vallon du Lys. Là ondulent des terrains admirables pour le ski et la descente est splendide jusqu’au Cambasque.

Horaire :

Arrens (887 m.) : 7h25

Col de Bordères (1140 m.) : 8h25

Estaing (1005 m.) : 9h-9h30

Lac d’Estaing (1264 m.) : 10h20-11h

Vallée du Lys : 15h15

Cauterets (992 m.) : 16h45

21 FEVRIER – REPOS A CAUTERETS

Collection JMOllivier – Raid Jeunesse et Montagne – La caravane de skieurs du raid Urdos-Luchon – 1942

Collection JMOllivier – Les participants de Jeunesse et Montagne du raid à ski Urdos-Luchon de février 1942

22 FEVRIER – QUATRIEME ETAPE
Cauterets-Gèdre, par le col de Culaous.

Itinéraire : Vallée de Lutour, refuge Russell, col de Culaous, lac d’Antarouge. 

Là commence un passage qui peut devenir scabreux par certaines conditions : le ressaut du Bué, haut de 500 m., raide et coupé de barres rocheuses. Il est exposé en plein sud, ce qui est plutôt une garantie de sécurité quand il fait beau depuis quelques jours, mais qui interdit par contre le passage après une chute de neige fraîche.

Horaire :

Cauterets (992 m.) : 7h05

Refuge Russell (2010 m.) : 11h

Col de Culaous (2670 m.) : 12h30

Granges du Bué (1640 m.) : 14h-15h20

Route de Gavarnie (980 m.) : 16h15

Gèdre (1011 m.) : 16h45

23 FEVRIER – CINQUIEME ETAPE
Gèdre-Fabian, par le Port de Campbieilh (2595 m.).

Cet itinéraire permet de passer directement de la vallée de Gavarnie à la vallée d’Aure.

Horaire :

Gèdre (1011 m.) : 7h

Port de Campbieilh (2595 m.) : 11h45-12h15

Vallon de Badet : 13h-14h

Fabian (1148 m.) : 17h

Collection JMOllivier – Raid Jeunesse et Montagne Les participants du raid Urdos-Luchon 1942

Collection JMOllivier – Raid Jeunesse et Montagne – La caravane de skieurs du raid Urdos-Luchon – 1942_06

Collection JMOllivier – Raid Jeunesse et Montagne – La caravane de skieurs du raid Urdos-Luchon – 1942_05

24 FEVRIER – SIXIEME ETAPE
Fabian-Loudenvieille, par le Col d’Azet.

Ici, l’itinéraire quitte la haute montagne et, par Saint-Lary, Azet et le col d’Azet (1681 m.), gagne Loudenvieille, dans la vallée de Louron.

Horaire :

Fabian (1142 m.) : 8h15

Azet (1172 m.) : 11h30-13h

Col d’Azet (1681 m.) : 14h

Loudenvieille (960 m.) : 15h

Collection JMOllivier – Raid Jeunesse et Montagne – La caravane de skieurs du raid Urdos-Luchon – 1942_04

Collection JMOllivier – Raid Jeunesse et Montagne – La caravane de skieurs du raid Urdos-Luchon – 1942_03

Collection JMOllivier – Raid Jeunesse et Montagne – La caravane de skieurs du raid Urdos-Luchon – 1942_02

25 FEVRIER – SEPTIEME ETAPE
Loudenvieille-Luchon.

De Loudenvieille, on peut passer facilement à Luchon par le port de Peyresourde, on traverse des terrains de ski magnifiques et on profite d’une très belle descente sur Gouaux de Larboust.

Horaire :

Loudenvieille (960 m.) : 7h45

Mont Ségut (2246 m.) : 11h30

Gouaux (1120 m.) : 13h-15h15

Luchon (650 m.) : 17h
 
 
L’itinéraire de ce raid Urdos-Luchon peut être considéré comme une haute route d’hiver des Pyrénées centrales. La haute route de printemps devra, bien entendu, être recherchée plus près de la frontière et même, assez souvent, sur le versant espagnol.

 
Article rédigé par Robert OLLIVIER, Instructeur Chef du Groupement "Pyrénées", paru dans le "Bulletin pyrénéen" n°237, page 141.

Crédit photo: Collection R. Ollivier





RAID NICE - CHAMONIX

En février, à deux jours d'intervalle, deux caravanes quittaient Saint-Étienne-de-Tinée, à quelques heures de la Méditerranée pour relier, à ski, par la route d'hiver, la Côte d'Azur à la Haute-Savoie.

Chacune d'elles comprenait une trentaine de volontaires et de chef de Jeunesse et Montagne, avec tout le recrutement individuel et le matériel de secours collectif vient point C'est donc avec un sac de 15 à 20 kg que le raid fut accompli. Nous voici loin du ski de piste, où l'absence de chargement permet des évolutions des plus subtiles sur une neige aisée. Il s'agissait vraiment de ski de haute montagne avec toutes les difficultés inhérentes autant, aux conditions d'enneigement, à la longueur des étapes, avec aussi tous les dangers : tempête, avalanche, froid.

Par chance, nous possédons le journal de ce raid, tenu par un des volontaires P. PAQUIER. Nous le reproduisons intégralement, ci-après, car il relate, à chaud, ce que fut leur exploit.


Mardi 10 février 1942

Le mardi 10 février à 14 heures nous nous trouvions quatre volontaires de «Jeunesse et Montagne» devant le P.C. des Allues avec nos énormes sacs et nos skis. Nous étions prêts pour le raid Nice-Chamonix.

A 14 h 30, nous chaussons et nous partons pour Brides ; nous arrosons le départ par un bon chocolat en attendant un trolley qui n'arrive pas souvent et qui arrivera complet 25 minutes avant l’heure du train. Le résultat fut une véritable course de fond, qui nous permit d'arriver tout suant, à 14 h 20 à la gare, juste pour sauter dans le train, qui, à dix-neuf heures nous débarqua à Chignin, ainsi que d'autres équipes venues pour le raid. Après une demi-heure d’attente dans la neige, on vit enfin arriver le trolley qui nous conduisit à Challes-les-Eaux. Là, après un modeste repas, nous allâmes prendre notre repos dans une infâme baraque où il faisait un froid de loup. Nous découvrîmes un poêle à sciure et après avoir fait une petite provision de bois en défonçant des planches de lit à grands coups de pieds, on essaye de d’allumer ; après de nombreuses tentatives, nous dûmes abandonner notre projet de chauffage et aller prendre l’air un moment après avoir mis la baraque en courant d’air, car le poêle fumait tellement que l’on ne voyait même plus les lampes. Néanmoins, sur le coup de 10 heures, tout le monde se couchait tout habillé et s’enfouissait de la tête aux pieds dans des couvertures.


CHALLES

A neuf heures, cérémonie des couleurs, puis promenade en attendant des ordres qui ne viennent pas. Finalement vers les 10 h 30, on va à Challes prendre un café et I'on ne rentre qu'à midi pour voir arriver l’équipe d'Entremont.

Après dîner, nous nous trouvions tous réunis, et l‘on commença à nous donner des consignes et à nous distribuer du matériel collectif. Traineaux-skis, cordes, piolets, pelles à neige, etc.

Ceci étant terminé, on trouve le moyen de nous faire transporter du bois ce qui ne se fait pas sans grandes récriminations de notre part. Nous ne sommes plus des bleus.

A cinq heures, on nous présente au Chef du Groupement Savoie, qui nous fait ses dernières recommandations sur la tenue, le bon esprit, etc...
Après avoir mangé les raves nous retournons nous coucher dans notre baraque.


CHALLES – GAP

Lever à cinq heures trente, déjeuner au jus noir et à sept heures, nous nous trouvions à l'arrêt du trolley. Le complaisant chauffeur refuse de tous nous prendre et une partie d'entre nous est obligée d'attendre le trolley suivant ; néanmoins, à huit heures tout le monde se trouvait réuni à Chambéry.

Jusqu'à neuf heures, liberté d'aller visiter Chambéry et d'aller admirer les quatre sans cul.

Bientôt, nous étions tous réunis à la gare, mais le train n'arriva qu'avec quatre-vingt minutes de retard. A midi, nous débarquions à Grenoble ; on s*installait dans un café pour manger, et, à 13 h 35 on était à la gare, mais les chefs, eux, n’arriveront qu'à la dernière minute, si bien que, lorsque l’on se précipite sur le quai, le train était déjà en marche et quel train ! ! ! Une patache de trois wagons tous complets ; il fallut quand même s’ingurgiter dans les compartiments, qui en troisième, qui en seconde.

 Le train monte petit à petit, on passe au Monestier-de-Clermont où l’on peut contempler nos camarades des Chantiers en train de déblayer la neige de la voie.

Puis, on arrive au col de Lus-La-Croix-Haute ; la ligne est bordée de barrière de bois pour empêcher les énormes congères de recouvrir entièrement la voie.

Du col, à Veynes, le train descend à toute vapeur et, à 16 heures, nous débarquons et l'on s'aperçoit qu'il manque un volontaire resté en panne à Grenoble.

A Veynes, nous attendait le Chef Mollard, moniteur chef du Groupement Savoie ; c'est lui qui prendra maintenant la direction de la caravane.
Un car frété pour nous, nous emmène jusqu'à Gap et nous laisse devant l’hôtel vers les six heures. On a quartier libre jusqu'à sept heures, puis repas, et ensuite on nous emmène à la C.D.O. toucher des vivres pour quatre jours. Une partie de ces vivres seront emmenés à Guillestre et une autre à Jausiers. Quant au reste, on le répartit dans nos sacs, et à dix heures et demie tout le monde va trouver un bon lit avec des draps. 

En bon ordre, la caravane s'ébranle

Dès la première montée, l'effort est rude

Premiers contacts avec les cimes

GAP – SAINT ETIENNE DE TINEE

Réveil à cinq heures, déjeuner à cinq heures quarante-cinq et à six heures on embarque en car pour un très long voyage.

Au début, la plupart somnolent, la route est enneigée par endroit, mais le chauffeur n’a pas l`air de s'en inquiéter et l’on marche bon train. Bientôt, l’on arrivera à Sisteron, dans la «Rue droite» et d'une sinuosité remarquable.

Vers les huit heures et demie, on est à Digne, on s’y arrête quelques minutes, on croque une barre de chocolat et un morceau de pain.

Puis, la route passe dans de larges cirques; on se croirait presque dans des plaines ; c'est curieux la différence avec nos Alpes de Savoie.

Bientôt, par une route tortueuse nous arrivons à Entrevaux, ville extrêmement curieuse, accrochée au flanc de la montagne et ceinte de magnifique fortifications. Un arrêt du car nous permet d’aller admirer de plus près la porte et le pont-levis muni de chaînes magnifiques ; mais bientôt d'impérieux coups de klaxons nous rappellent au car.

Midi approche, nous passons à Puget-Théniers, puis nous longeons le Var, et nous nous engageons dans les magnifiques gorges de la Mescla. Vers les midi et demi, le car s'arrête à l’embranchement de Saint-Sauveur-de-Tinée et nous voici à trente- sept kilomètres quatre cents de Nice, dont nous ne verrons même pas la couleur...

Le car repart pour Gap, et nous nous mettons à table au bord de la route, sous le soleil du Midi. Nous avons un drôle d'air avec des skis et des sacs dans ce décor du Midi, mais enfin ! ! !

A treize heures et demie, un nouveau car monté de Nice nous prend, et nous commençons à remonter la vallée de la Tinée.

Dans les virages, on se trouve soudain en face de bastions fortifiés, d'aspect peu rassurant ; d’autre part la vallée est sillonnée par les câbles de nombreux téléphériques militaires. Bientôt, la Tinée sera à notre droite et elle servira de frontière entre l'Italie et nous.

Le côté droit de la vallée est du reste complètement en friches, et les maisons inhabitées. En effet, un accord avait été passé entre Français et Italiens : le sol était Italien mais, vu l’éloignement, c'était les Français qui le cultivaient ; manquant sans doute d'espace vital, les Italiens ont subitement repris leurs droits en 1939, si bien que les Français durent tout abandonner et le village d'lsola se trouve ainsi entièrement désert.

Aucun Italien ne vient cultiver les lieux et la terre demeure inculte.

Mais si inculte que soit la terre, ces Messieurs la gardent et nous pûmes bientôt jouir du spectacle des uniformes de nos voisins. Certains sont casqués, d'autres ont un bicorne, d'autres un chapeau à plumes. Nous vîmes leurs baraquements, mais bientôt, non contents d'être de l'autre côté de la Tinée, nous en vîmes même sur la route. Ils étaient deux, avec des chapeaux à plumes, puis, pour les surveiller, un kilomètre plus loin deux autres, des douaniers cette fois-ci, et toujours pour les surveiller, un kilomètre plus loin deux gendarmes en bicorne, et pour surveiller le tout deux gardes mobiles Français.

Après ce petit divertissement, nous arrivâmes à Saint-Etienne-de-Tinée vers les quatre heures et demie. Mais à notre grand désappointement, il n’y avait pas un atome de neige. Néanmoins, on farte les skis, on met les peaux et l’on jette un dernier coup d'œil à notre équipement car demain l’étape sera dure,

Une fois que tout est prêt, on va faire un tour «en ville» et l’on est très amusés d'entendre des gens qui ont un bon petit accent du midi.
A dix-neuf heures trente on se retrouve tous à table devant un excellent repas après lequel on nous indique les étapes du raid et on nous fait les ultimes recommandations. Puis au lit.

La porte d'Entrevaux

Le premier repas en plein air, dans les gorges de la Mescla

SAINT-ETIENNE - JAUSIERS

Lever à 5 h 15 distribution du ravitaillement pour la journée, déjeuner et à 7 heures départ à pied avec les skis sur le sac. On s’élève petit à petit dans la vallée de la Tinée et à 9 h 30 on s'arrête au hameau de la Pra pour casser la croûte. A 10 heures on repart pour Bausieyas ; on essaie de chausser, mais on est contraint de déchausser et de marcher encore un moment à pied ; quand on chausse enfin pour de bon, c’est sur une neige infecte, soufflée, dure et avec mes peaux de phoques, j’ai toutes les peines du monde à monter; il fut même une pente très raide où je dus déchausser et monter in pied dans la neige.

A 13 heures on était au cul de Peleuses; il y avait eu  soleil à la montée aussi était-on monté sans chandail et chemise ouverte, en arrivant au col nous fûmes glacés par le vent et la plupart d'entre nous contractèrent de terribles rhumes, qui les ennuyèrent pour le reste du raid.

Il faisait si froid au cul, que l’on dut repartir après avoir mangé juste un tout petit peu. 

A 13 h 30, on commence la descente. Je dois partir dans les derniers à cause du traîneau «Pourchier» que je trimballe sur mon sac.

La descente n'est pas bonne ; au début, la pente est soufflée et de toute façon c'est une tôle infecte avec des rochers qui dépassent. On piqua ce jour-là un nombre de bûches impressionnant, surtout que nous n’étions pas encore habitués à skier avec un sac. On dut faire beaucoup de dérapage latéral, mais néanmoins, on se retrouvait souvent par terre et le plus pénible était de se relever, vu notre chargement.

A trois heures, on était tous réunis au fond de la vallée et l'on pouvait enfin dîner.

A trois heures et demi, on repartait et l’on montait un moment ; puis ce fut une dizaine de kilomètres à flanc de coteau qui se terminèrent par une impressionnante descente dans une coulée étroite où l'on perdit beaucoup de temps.

Néanmoins, à 18 heures sonnantes, nous faisions notre entrée à Jausiers. On avait dû faire entre cinquante et cinquante-cinq kilomètres.
Nous eûmes un dîner si copieux que l'on calait devant les nouilles à la tomate.

Après le repas on distribua les vivres et un mit les skis sur un car qui emmena nos planches jusqu'à Condamine.

JAUSIERS – GUILLESTRE

Lever à six heures 30. Départ à pied à 7 h 15 ; on monte par la route jusqu'à Condamine ou l'on arrive à 8 heures ; on reprend les skis, on les met sur les sacs et l'on repart. Arrivé à Melzou, on chausse et l’on marche en file indienne sur le talus et l’on doit marcher directement sur du goudron qui lui, n'est pas très glissant. Néanmoins, on arrive à 10 h 45 à Saint-Paul-sur-Ubaye et à 11 heures nous sommes libres pour pouvoir assister à la messe.

A 11 h 30, on se met à table dans un café où l’on dîne tranquillement.

A 13 heures on se remet en route à pied pendant une heure encore. On chausse enfin et l’on aperçoit un magnifique lièvre qui s'enfuit à notre approche.

A 15 heures on arrive au col de Vars, on enlève les peaux et l’on redescend jusqu'au refuge «Napoléon» où l’on goûte.

A 16 heures on rechausse et on descend par la route. Au début, cela va à peu près, mais plus on descend, plus la neige est mauvaise ; cela devient même de glace en arrivant à Sainte-Marie, quant à Saint-Marcelin, un pays où il y a un remonte-pente, il faut déchausser pour le traverser.

Ici commence une descente acrobatique sur les talus avec par moments cinq ou six mètres de ravin en dessous de nous. Il faut déchausser au moins dix fois. Mais, malgré tout on arrive à Guillestre à 18 h 30 ; on est logé dans le meilleur hôtel. A 20 heures, on se met

à table, puis on va charger les skis sur un camion de laitier qui doit les emmener à Arvieux.

Je dois du reste convoyer les skis et le ravitaillement en camion le lendemain, et jusqu'à 23 h 30, on prépare le ravitaillement à emmener.

GUILLESTRE – ARVIEUX

Massit vient me réveiller à cinq heures. A six heures nous embarquons dans la cabine du camion; nous sommes plutôt serrés car en plus de nous deux, il y a des passagers, et pour finir nous sommes sept. Néanmoins, à sept heures on nous laisse, nous et notre matériel à l’embranchement d'Arvieux. Massit a la naïveté de demander s'il n'y a pas un café dans les environs. «Oui, mais à trois kilomètres».

Le thermomètre marque moins 25 et nous voilà dans la nature, et dans l’obscurité pour un petit moment. Il y a bien une baraque en planches sur laquelle un plaisantin a marqué «gare d'Arvieux », mais elle n’a que trois côtés. Aussi décidons-nous de faire un mur de feu et pour cela nous allons à la recherche d'un peu de bois. On allume le feu et l'on se met à déjeuner avec du pain et de la confiture.

Au bout d'une heure, ou commence à être sérieusement gelé ; le jour s’est levé ; on peut admirer Chateau-Queyras dans le lointain et le thermomètre ne marque plus que moins 24. Enfin à neuf heures arrive le laitier d’Arvieux ; on passe une demi-heure à décharger et recharger les bidons de lait, puis nos skis et le ravitaillement.

A 9 h 30, on s'entasse à trois dans la cabine et l'on commence la montée, mais pour comble de bonheur on reste en panne d'essence, et il faut encore se geler une demi-heure au bord de la route en attendant que notre chauffeur ait trouvé du carburant.

Nous arrivons enfin à Arvieux vers les 10 h 30. On débarque dans un hôtel que l'on a chauffé pour nous. On s'installe et à midi l'on va dîner au café avec le propriétaire de l'hôtel.

Après le dîner, on prépare tout pour l’arrivée des autres qui viennent à  pied. On distribue les chambres et on dispose les tables.

Puis, comme nous avons du temps libre, on en profite pour écrire des lettres un peu plus longues que d'habitude et pour se laver des pieds à la tête.

La caravane arrive vers les seize heures trente. On les installe ; on prend le thé et à sept heures, au moment où l'on allait se mettre à table, la maison est inondée par l’éclatement d'un radiateur de chauffage central. Pour une fois, que l'on avait un hôtel bien chauffé, il faut que cela saute. Nous n'avons pas de veine, mais cela ne nous coupe pas l’appétit et les fayots sont les bienvenus.

Après dîner on farte, on met les peaux, on distribue le ravitaillement et à neuf heures on est au lit.

Détente à la Chapelue

Le froid fait son apparition

A la Chalp d'Arvieux, l'hospitalité est chaude.


ARVIEUX – BRIANCON

Lever à cinq heures quarante-cinq. Départ à 7 heures à pied avec les skis sur le sac. Température moins 10.

A sept heures et demie on chausse et l'on commence à monter dans une vallée qui nous conduit au col d'lzoard, Nous sommes sur la gauche de la route et l'on s'élève presque sans fatigue. On voit la casse déserte par dessous, cela ne fait pas du tout la même impression que lorsqu'on la voit de la route.

A neuf heures et demie, on est au col d'lzoard, il n'y a pas de vent et après s'être habillé on commence une magnifique descente sur route qui nous conduit à Cervières à 10 h 45.

A Cervières, on casse la croûte. A 11 h 15, on part pour Briançon; la route n'est pas mauvaise, mais par endroit on la répare, ce qui nous oblige à déchausser une dizaine de fois.

A midi trente, on est à Briançon ; on nous conduit au mess des sous-officiers de la caserne Berwick ; nous y déposons notre matériel et allons dîner dans un restaurant à côté de la caserne.

A 14 heures on est libre d’aller se promener en ville, mais à condition de ne pas circuler en groupe car il ne faut pas que la commission d'armistice nous remarque. Elle nous a déjà interdit de séjourner comme on le pensait.

Le soir à 18 heures, ou se retrouve dans une immense caserne vide; à 19 heures on était au restaurant devant une bonne soupe chaude, puis après le dîner on nous distribua les vivres et on nous recommanda de nous habiller chaudement le lendemain.

Nous regagnons la caserne et nous nous couchons dans l’obscurité.

Le col de l'Isoard

Un bon fartage avant la descente

Sur le sentier entre Saint-Michel-de-Maurienne et le col des Encombres

BRIANCON - VALLOIRE

Lever à la lueur d'une bougie à 5 heures. Déjeuner au restaurant à 6 heures. Il commence à neiger lorsqu'on embarque dans un petit car dans lequel on se tasse comme ou peut.

On chante, on est gai et dehors il neige de plus en plus fort, il neige tant et si bien qu'à la fin faut que l'on descende pour pousser le car.

A 8 heures, on arrive sous la neige à Nevache ; on chausse et l'on commence une longue montée dans le fond d'une vallée. On marche tête basse sous la neige.

A 11 heures, on aperçoit quatre chamois qui s’enfuient lentement devant nous.

Un peu après 11 heures, on rentre dans une grange et l'un dîne. Puis un reprend la montée.

A 13 heures, on essaie de faire le point et on y arrive à grand-peine car les nuages nous cachent les sommets et d'autre part, nous sommes vers une grange qui n'est pas portée sur la carte, Après délibération, on décide de monter en biais sur la gauche.

On prend de grandes distances et l'on commence à monter sur une neige très dure au début. On arrive bientôt à un passage curieux : d'un côté une corniche, puis un trou et il faut remonter de l’autre côté sur une moraine de 3 ou 4 mètres de haut.

La descente de la corniche s'effectue encore bien, mais la remontée de l'autre côte est beaucoup plus difficile car la neige tombe sous nous à mesure que l'on essaie de monter. Pour finir, je suis le troisième qui arrive couché sur le côté, jusqu'au petit plateau d'où l'on peut dominer la situation.

Je n'ai plus devant moi que les deux moniteurs, la neige d'autre part s'est arrêtée de tomber. Je suis les deux moniteurs et ceux qui arrivent derrière moi sont très loin et je ne les aperçois que de temps en temps.

A 14 h 25, on arrive au col des Rochilles, on aperçoit à droite le fort du col entièrement inoccupé ; on redescend avec les peaux, on passe sur un lac sans s'en apercevoir ; on remonte, on aperçoit alors la vallée du Grand Galibier.

Quand nous sommes tous réunis on commence à descendre toujours avec les peaux jusqu'au camp des Rochilles. Là, on s'installe dans une spacieuse écurie où l’on casse la croûte.

A trois heures, après avoir enlevé les peaux, on descend rejoindre la route du Galibier et on arrive en douceur au Verneys de Valloire vers les quatre heures un quart.


VALLOIRE  Repos

On ne se lève qu'à neuf heures et demie, on déjeune, on répare la matériel abîmé, on va dans les fermes pour tâcher d'avoir quelques oeufs afin de pouvoir faire une crème au chocolat le soir.

A treize heures, on dîne, le soir je descends à Valloire en ski et je passe mon après-midi à faire du ski sur la piste de Valloire ; je goûte les joies de skier sans sac sur une piste damée et de pouvoir faire des christianas sans risque d'être jeté par terre.

A six heures, je regagne les Verneys et a sept heures on soupe et l’on termine par une délicieuse crème au chocolat fruit de notre recherche du matin.

Revue de chaussures dans la rue de Valloire


VALLOIRE – SAINT-MARTIN

Lever à 4 h 30, déjeuner, départ à 5 h 30 dans la nuit on descend à Valloire. La descente est épique, en chasse-neige avec les deux talons de skis touchant les murs de neige de chaque côté et certains ont une frousse intense.

A Valloire, on commence à y voir un petit peu, on monte au col du Télégraphe, vers les sept heures et demie on est au co] et l'on passe le tunnel avant de commencer une descente sur route de onze kilomètres cinq cents. Descente bonne et rapide jusqu'au moment où je rencontre une auto juste dans un virage et malgré un rapide christiana, je m’arrête, ma foi, assez près du pare-choc.

En arrivant on est gelé ou du moins nos souliers le sont et on a de la peine à marcher dans les rues de Saint-Michel-de-Maurienne.

Il est juste huit heures, nous allons boire le café et casser la croûte à l'hôtel des Alpes. Après quoi on place les peaux de phoques et à huit heures quarante-cinq on repart à pieds avec les skis sur l’épaule, on montera ainsi sur la neige jusqu'à onze heures.

A onze heures, on est à Plan Villard et l'on dîne au soleil qui commence à chauffer fort.

Après le repas on chausse et l'on commence une très longue montée. Il fait si chaud qu'on nous fait mettre des linges sur nos têtes mais, malgré linge et lunette on a encore les yeux qui nous brûlent.

A 14 heures, nous étions au col des Encombrés après avoir monté en travers d'une pente à avalanches et surplombée de corniches.
Comme j'étais dans les premiers à la montée et que je devais attendre pour repartir dans les derniers à cause du traîneau, j’ai tout le loisir d’admirer le magnifique panorama que nous avions devant nous et aussi de boire à toutes les gourdes, pour mon malheur du reste, car le vin avec le soleil sur la tête a pour effet de me couper les jambes et de me troubler légèrement la vue.

Une fois au col, nous nous croyons au bout de nos peines, mais il n'en était rien, on nous fit effectuer une bonne descente avec les peaux de phoques, puis remonter à un nouveau col où cette fois on enleva les peaux et on descendit pour remonter encore. Ce ne fut que vers les cinq heures que l'on commença la vraie descente dont je ne pus pas bien jouir vu mon état physique.

A 18 hi 15, nous étions à Saint-Martin-de-Belleville.

Cette étape que nous venions de faire fut la plus fatigante de tout le raid à cause de sa longueur, 13 heures, et du soleil qui nous brûlait.

A Saint-Martin, nous nous ruâmes sur le beurre, les œufs et le pain et nous pûmes améliorer sérieusement notre ordinaire.


SAINT- MARTIN – LES ALLUES

Réveil à 7 h 30, déjeuner, départ à 9 heures pour le Pas de Cherfrie ; montée sans histoire, on fait des photos.

A onze heures, on arrive au Pas de Cerfrie ou nous sommes accueillis par le Chef Riss.

On effectue une magnifique descente sur Les Allues. La neige est poudreuse. A midi on arrive au chalet du Cruet où nous attend le vin chaud.

Repas, puis liberté de se promener.


LES ALLUES   Repos

Lever à 9 heures ; descendu aux couleurs, puis assisté à la Messe, remonté dîner, à trois heures, réunion où l'on nous distribue des vivres pour l'étape du lendemain.


LES ALLUES – AIME

Lever à cinq heures. On effectue une descente épique dans l’obscurité ; certain perd même un ski qui dévale la pente et il faudra un bon quart d'heure pour le retrouver.

On va déjeuner l’équipe William avec du jus noir et une fumée qui nous fait tous tousser.

A six heures et demie, on chausse et en route pour Brides par la route.

A sept heures et demie on repart de Brides avec les skis sur les sacs. On passe à la Saulce où je vais prendre le café chez les Blanc-Tailleur.

Arrivés à Montagny, on met les peaux et l'on chausse.

On commence la montée qui durera jusqu'au chalet du Mont Jovet (2340 mètres) où l'on arrive à midi quinze ; au cours de la montée on avait une vue splendide sur Les Allues. On voyait le Cruet et son drapeau et d'autre part.de petites mouches sur la piste de ski. On voit aussi Saint-Bon Courchevel.

De midi et quart à midi quarante-cinq, dîner rapide contre les murs de l’hôtel. Il nous reste encore vingt minutes de montée.

On chausse, le Chef Mollard part dans un glissement de neige en tête de la caravane et le chef Tournier dans une autre à la queue. On rebrousse chemin, on fait un détour et à 13 h 15, on enlève les peaux. On commence à descendre sous des corniches de trois mètres de haut et une pente qui menace de descendre avec nous.

Nous devons partir à grande distance les uns des autres. Défense de parler. Défense de tomber. Certains ont très peur.

La descente fut longue vu notre nombre, mais se passa sans incident : en arrivant en bas le soleil avait détrempé la neige cela collait. On dut s'arrêter pour sécher les skis en vue de les refarter et l'on continua à descendre, après la neige mouillée ce fut une abominable neige soufflée sur laquelle on descendit jusqu'à Longfay où l'on rejoignit la route.

La route était une soupe et ce fut un supplice que ces six kilomètres de descente en poussant sur les bâtons comme des sourds.

On passa vers les mines de charbon et de plomb, puis l'on déchaussa ; à cinq heures nous faisions notre entrée à Aime.
A Aime, nous fûmes bien logés dans un hôtel tout neuf.

Les villages sont traversés skis sur le dos


AIME – BEAUFORT

Lever à 5 h 45, déjeuner et départ à 6 h 45. On monte à pieds avec les skis sur l'épaule, au bout d'une heure et demie de marche on est à Granier.

Certains vont boire du lait à la fruitière; on casse la croûte et après un quart d'heure d”arrêt on chausse et l'on commence à monter sous le soleil ; montée facile, un chemin à flanc de montagne, mais soudain plus de chemin, une énorme avalanche est passée par là, arrachant absolument tout sur son passage. Il n'y a plus que des morceaux d'arbres.

On nous fait prendre cinquante mètres d'intervalle, et on continue à travers des avalanches et des couloirs, chose moins drôle, où les avalanches ne sont pas encore parties, on termine par une montée « schuss » afin de ne pas couper une pente à avalanches. Comme

la neige est très mouillée on arrive à monter malgré la raideur de la pente.

A midi trente. nous étions au Chalet d'Arêche où nous avons dîné, couchés au soleil avec 35 degrés, alors qu'à l’ombre il faisait 5 degrés.

Ou mange tranquillement et l’on reste au soleil jusqu'à treize heures trente.

On se remet en route et on effectue une bonne descente jusqu'au chalet de Saínt-Guérin.

Saint-Guérin est un magnifique chalet construit en pleine montagne à 1.500 mètres d'altitude. Un seul inconvénient, il n'y a pas d’électricité. Pour le reste, ils ont l’eau courante ; la maison est claire.

Pour notre compte, nous nous y désaltérons largement puis nous continuons la descente sur Arêche.

De Saint-Guérin à Arêche, nous descendíons entre deux murs de neige variant de 1 à 3 mètres. La neige étant tantôt dure, tantôt molle selon que l'un passait au soleil ou en forêt.

Arrivés à Arêche, ce fut le comble de la soupe et les six kilomètres s'effectuent en poussant sur les bâtons.

Nous arrivons à Beaufort à quatre heures et l'on nous fit défiler au pas cadencé dans les rues pleine de glace d'où évidemment quelques bûches qui rompirent plutôt l’harmonie des rangs.

On nous présenta au chef de centre, puis on nous fit prendre un thé select avec des longuets.

Après le thé, nous fûmes libres d'aller nous promener en ville jusqu'à 19 heures. On fit un dîner bon mais peu copieux puis on partit se coucher dans les baraquements.


BEAUFORT – LES CONTAMINES

J’ai très mal dormi car j’ai la fièvre et de plus on a le souci de se réveiller à cinq heures.

A 5 h 45, on va déjeuner à la maison d'équipe située dans un lieu verglacé et en pente, d'où de nombreuses bûches.

A 6 h 30, départ à pieds pour le Cortillet où l'un arrive juste à 7 h 15 pour entendre sonner la cloche et voir apparaître le chef Thianlîer en pyjama.

Au départ du Cortillet, on chausse car la route devait être plate mais en réalité les nombreuses dénivellations nous obligèrent à déchausser et à marcher à pieds surtout q’en  ski on avançait d'un mètre et on reculait de cinquante vue le verglas.

On passe (levant les équipes de Belleville et on arrive enfin à Belleville à 9 h 30. On casse la croûte et l'on se remplit de limonade (pour mon compte j’en bois une bouteille et demie pour faire tomber la fièvre). Le remède m'a du reste très bien réussi.

A 10 h 30, après avoir mis en place les peaux on monte à pieds par un vrai raccourci car il monte tout droit dans la montagne.

 A 11 heures, on s'arrête et on chausse. On met les linges sur les têtes, les lunettes et l'on commence la montée qui dura jusqu'à midi vingt, heure à laquelle nous serons au col du Joly.

Du col du Joly ou a une très belle vue sur les monts environnants et à notre droite on aperçoit le monument élevé à trois Lyonnais pris dans une avalanche de poudreuse.

Au col du Joly on dîne, couchés au soleil on se délecte avec du riz sucré, puis à 14 heures, on commence une splendide descente.

A cinq cents mètres du sommet, je pique « Schuss » et mal m'en a pris car en arrivant en bas je casse une spatule au cours d'une bûche qui n'avait pourtant rien de méchante.

Pour comble de bonheur un autre volontaire vient aussi de casser une spatule et la caravane ne possède qu’une seule spatule d'aluminium. Je dois donc descendre à pieds avec de la neige plus haut que les genoux, j’essaye de chausser par moment, mais c'est très difficile de skier sans spatule.

J’en ai assez, je tombe par moment et à la fin je chausse, advienne que pourra. Il n'est rien advenu, Je suis très bien descendu et vers les quatre heures et demie, j’arrive enfin aux Contamines.

Comme j'en avais marre, je me fais faire avec mon chocolat du casse-croûte un grand pot de chocolat au lait qui me remonte tout de suite, surtout que je l’accompagnais de tartines de beurre.

Après mon goûter je m’occupais de mon matériel. On décida que je prendrais le ski cassé de mon camarade qui avait cassé comme moi et que lui prendrait la paire d'un autre volontaire, qui irait à Chamonix en car, vu les ampoules qu'il avait aux pieds.

Je réglais donc mes skis dépareillés, me demandant bien comment cela allait marcher car mes skis étant très usés, avaient des carres saillantes et les skis de l’autre volontaire étaient neufs et avaient des carres plutôt en retrait, ajouté à cela qu'un ski était en hickory et l'autre en fayard d’où différence de poids, d'autre part les étriers ne sont pas au même niveau, mais enfin on verra bien !

A 19 heures, excellent dîner, puis on va se coucher dans un bon lit avec des draps après avoir chanté et pris le ravitaillement pour la journée du lendemain, pour la dernière étape.


LES CONTAMINES – CHAMONIX

Lever à 6 h 45, déjeuner copieux et à 7 h 30, en route skis aux pieds on descend pendant une heure sur la route jusqu'au hameau de Bionnay et l'on monte dans le brouillard.

La montée est facile et on arrive en plein soleil au col de Voza vers les 10 h 30, ou casse la croûte et l'on a la joie de pouvoir admirer un spectacle réjouissant, à savoir : une équipe composée d*un énorme monsieur de soixante ou soixante-cinq ans (il devait faire dans les 120 kg). Il avait un pantalon et une veste norvégienne noire et il skiait avec un recul terrible.

Il était accompagné d'une non moins grosse dame en norvégien noir anorak bleu roi, foulard rouge et cheveux en «aluminium » .

Tous deux chaperonnaient une charmante jeune fille de 18 ans accompagnée d'un loulou blanc.

Tous trois skiaient comme des dieux et mirent près d'un quart d'heure de l’hôtel à la première balise de la piste rouge. Puis ils s'en revinrent tout tranquillement, le monsieur avec le petit chien sous le bras, la dame avec une magnifique paire de lunettes, probablement à cause du brouillard, quant à la jeune fille, elle suivait avec l’air de s'ennuyer mortellement.

Bref, laissant cette belle équipe à ses prouesses à 11 h 30, nous prenions la descente et nous foncions dans le brouillard opaque. On n'y voyait même pas à trois mètres et c’était vraiment dommage, car la piste rouge pour finir c'était joli.

A un moment on nous annonça le mur des Epines et nous voilà en travers en train de faire un immense dérapage latéral dans le brouillard. Heureusement dans le couloir ou y voyait. un peu plus et le reste de la descente s'effectua avec un peu plus de jour. Quand on tombait on ramassait de solides gamelles et l'on avait l’impression qu'on allait y laisser son fond de culotte.

Certains embrassèrent un arbre et un autre alla s'affaler contre un chalet au cours d’un dérapage trop prononcé.
Néanmoins tout le monde se retrouva en bas vers les midi et après un quart d’heure de marche on était devant un hôtel des Houches où l’on déchaussait pour aller dîner.

A 13 h 30, on chausse et en colonne par un on file à toute allure sur la route en direction de Chamonix, via les Bossons.

A 14 h 30, nous faisons notre entrée dans Chamonix, on nous dirige sur l'hôtel du Brévent.

On monte dans les chambres se changer, on prend le thé et I'on est libre jusqu'à sept heures et demie.

Le repas fut excellent ; après celui-ci le Chef Mollard nous fit ses dernières recommandations. car il devait partir le lendemain matin de bonne heure. Sur le coup de dix heures, on offrit au Chef Mollard un tableau en souvenir du raid et en remerciement de nous avoir si bien conduits, puis on trinqua au vin vieux pour enterrer le raid.

A 11 heures, tout le monde était au lit.

La dernière descente au pied du Mont Blanc


CHAMONIX

Lever à 9 h 45, déjeuner, resté à l'hôtel tout le matin å me reposer. A midi et demie, dîner, puis je suis retourné lire sur mon lit jusqu'à 16 h 30. Pour me réveiller, je chausse mes skis et vais sur la piste derrière l'hôtel Savoie. A ma grande stupéfaction, j'y suis absolument seul ; il faut dire que Chamonix est complètement désert en ce moment, on ne dirait vraiment pas que les championnats de France viennent seulement de finir. De plus le temps n'est vraiment pas engageant, on est dans le brouillard à un tel point que nous ne sommes même pas montés au Brévent, car par téléphone un nous a prévenus que là-haut aussi on était dans les nuages.

Après une descente sur une neige infecte, je rangeais mes skis à l’hôtel et j'allais faire une tour en ville.

A sept heures, on prenait notre dernier repas en commun, ensuite certains allèrent au cinéma et d'autres dans mon genre allèrent se coucher.

CHAMONIX - MOUTIERS

Réveil à 4 h 30. A 5 heures déjeuner, à 6 heures le train électrique nous emmène au Fayet et de là on embarque pour la Roche, puis on débarque à Annecy, où l’on casse la croûte, puis par l’avenue du Pasquier on descend jusqu'au lac, on se promène un moment sur les bords et l'on regagne la gare en route pour Aix-les-Bains, de là on débarque encore une fois Chambéry, on s'y promène une heure, puis on rembarque pour une dernière fois direction Albertville et Moutiers.

A sept heures on débarquait à Moutiers après avoir fait treize heures de chemin de fer.

Nous dînons à Moutiers, puis nous allons au cinéma.

MOUTIERS – LES ALLUES

Lever 8 h 30, déjeuner, puis on va à la Messe, on prend le trolley de midi ; je dîne à Brides chez mes amis Blanc-Tailleur, et à 19 h 50, je me retrouve au chalet du Cruet après vingt jours d’absence.
 
P. PAQUIER.
1942.



RAID CHAMONIX - MONT-BLANC



Du 9 au 20 mai 1943, une Equipe du Centre GUILLAUMET réalise un raid autour du Mont-Blanc.

Le volontaire LACHENAL, qui participe à ce raid, note ses souvenirs dans un document de 16 pages, agrémenté de dessins, daté du 10 juin 1942.

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